La réussite commerciale de l’entreprise reste une des grandes priorités des dirigeants. La compétition mondiale acharnée que se livrent les entreprises sur des marchés de moins en moins lisibles rend le sujet plus que jamais sensible. Nous avons demandé à Xavier Vottero, spécialiste dans l’amélioration de la performance commerciale dans des environnements BtoB, et partenaire de la plateforme WeGrow, d’expliciter les enjeux actuels de la fonction commerciale et l’intérêt pour des PME, ETI et grands groupes de faire appel à un expert externalisé pour répondre à des problématiques commerciales variées.
Bonjour Xavier Vottero, quelle est l’importance de la performance commerciale aujourd’hui ?
Xavier Vottero : La période 2020-2021, durant laquelle toutes les entreprises ont été impactées d’une manière ou d’une autre par le contexte Covid, les a amenées à se reposer des questions sur leur stratégie commerciale. Certaines organisations, confrontées à la baisse significative du volume des ventes, ont été contraintes et forcées. D’autres, même moins impactées dans leur business, ont dû revoir leur stratégie commerciale, car leurs clients ont fortement changé de comportement d’achat.
Cette période particulière a poussé toutes les entreprises, peu importe leur taille et leurs secteurs d’activités, à remettre à plat leur stratégie commerciale pour acquérir et fidéliser des clients dans un contexte ardu. Ces changements perdurent aujourd’hui.
Plus précisément, qu’est-ce qui a changé ?
X.V. : Durant la période de pandémie, les clients des entreprises ont eux-mêmes été impactés par un contexte nouveau et imprévu. Ils ont donc dû faire évoluer leur politique d’achat, amenant ainsi à de nouveaux défis à relever et de nouveaux risques pour leurs fournisseurs :
- Une fidélité commerciale globalement en baisse, sauf auprès des fournisseurs apportant la plus forte proximité et le meilleur service
- En conséquence une attente encore renforcée en matière de service client. Les entreprises incapables d’apporter un service client de qualité (ou de manière trop irrégulière) ont globalement perdu leurs clients au profit de concurrents plus sensibles à l’importance de la relation commerciale
- Les clients ont eu tendance à demander beaucoup plus d’innovation commerciale de la part de leurs fournisseurs : nouveaux besoins, nouvelles offres, nouveaux schémas contractuels… Il s’agit désormais de proposer des offres vraiment différenciantes, qui génèrent de la valeur pour les clients
- Les clients attendent des interlocuteurs commerciaux capables d’apporter des solutions pour résoudre leurs problèmes. Il faut passer d’offres de ventes de produits et services à des offres de ventes de solutions.
- Par ailleurs, l’évolution récente du marché de l’emploi a généré un véritable enjeu pour recruter et fidéliser les meilleurs talents commerciaux. Le turnover du personnel, y compris commercial, a fortement augmenté sur la période, avec d’une part un moindre sentiment d’appartenance à sa société dans un contexte de travail à distance, et d’autre part un contexte plus favorable pour retrouver un poste dans une autre société
L’organisation commerciale et par ricochet la performance commerciale sont des sujets cruciaux, sachant que, quelle que soit la période, la réussite d’une entreprise reste liée à ses ventes et profits. Ainsi, certains défis à relever restent immuables, et l’animation de la fonction commerciale est un levier fort pour y contribuer :
- Le syndrome du « nez dans le guidon ». En pratique, un Directeur Commercial a toujours une urgence à traiter, que ce soit une négociation critique, une réunion client à préparer ou une crise commerciale à gérer. Il a donc structurellement du mal à piloter en même temps des dossiers de long terme, comme la conduite du changement dans ses équipes, la mise en place d’un projet CRM… La priorité est et doit rester aux négociations… mais il faut aussi conduire le changement pour solidifier le futur !
- La difficulté à ajuster son organisation commerciale pour aller chasser de nouveaux clients ou entrer sur de nouveaux marchés. Rares sont les organisations dimensionnées pour conquérir à la fois de nouveaux clients, et travailler la fidélisation. Les « éleveurs » performants dans la fidélisation des clients existants ne sont pas forcément de bons « chasseurs » pour entrer chez de nouveaux clients… et vice-versa. Il y a donc une véritable réflexion à mener sur l’organisation commerciale la plus adaptée au regard des enjeux commerciaux.
- Tous les outils et processus nécessaires à la fonction commerciale sont-ils correctement adaptés aux enjeux commerciaux ? On voit encore très souvent des outils et processus très lourds, déployés uniformément au sein de groupes avec des activités et des cycles commerciaux très hétérogènes. Le CRM doit rester un outil de pilotage de l’activité commerciale, et non se transformer en une « usine à gaz » chronophage pour les commerciaux… idem pour les tableaux de bord permettant de piloter efficacement l’activité commerciale.
Pour toutes ces raisons, de plus en plus d’entreprises ont recours à un expert externalisé capable d’appuyer et conseiller le Directeur Commercial pour : soit initier des transformations dans la durée, soit répondre à une problématique précise qui nécessite des compétences spécifiques. Il s’agit d’une fonction en fort développement, d’excellence commerciale/animation commerciale/conduite du changement/performance commerciale, en anglais « Sales Opérations ».
Pour les entreprises, j’y vois un gros avantage : elles vont pouvoir capitaliser sur l’expérience d’un expert qui apporte des bonnes pratiques qu’il a vues ou conduites au sein d’autres sociétés. De plus, ce fonctionnement permet une grande flexibilité : l’expert externalisé intervient suivant un volume d’heures/jours en fonction des besoins et de la complexité des chantiers. Cela peut prendre la forme d’un simple diagnostic de performance commerciale, ou aller jusqu’à la mise en place d’un plan intégré et priorisé de transformation de la fonction.
Ces experts externalisés s’appuient sur des compétences commerciales éprouvées. Me concernant par exemple, j’ai occupé dans ma carrière des postes commerciaux, des postes d’encadrement de la force de vente, puis la direction générale de filiales ou de centres de profits commerciaux, avant de basculer sur des fonctions d’amélioration de la performance commerciale, en lien avec les outils et process qui aident une force de vente à performer. Enfin, j’ai eu l’occasion d’avoir une casquette plus large : j’ai défini et déployé des plans de transformation complets de la fonction commerciale dans un très grand groupe international, et au sein d’ETI. C’est cette expérience que je mets au service des clients chez qui j’interviens aujourd’hui à temps partagé.
Hormis l’expérience de l’expert externalisé, qu’est-ce que les entreprises plébiscitent dans son intervention ?
X.V. : Comme je l’ai évoqué, profiter de la mise en place de « Best practices » réplicables et adaptées au contexte.
L’expert externalisé porte aussi un regard neutre et non biaisé par rapport à une analyse interne, puisqu’il n’a pas de carte personnelle à jouer dans l’entreprise. Il est là pour une période déterminée. Chose importante, il n’est pas influencé par l’historique et le mode de fonctionnement de la société, il peut challenger librement le mode de fonctionnement existant.
Quels effets peut attendre une entreprise d’un accompagnement commercial à temps partagé ?
X.V. : Il peut amener des résultats rapides, mesurables dans un exercice en cours. L’intervention d’un expert impacte le volume des ventes et donc le chiffre d’affaires, le taux de marge et le taux de succès. Le travail sur la priorisation des enjeux et des actions contribue à l’amélioration des résultats. Pris dans le quotidien commercial, les équipes peuvent perdre de vue les affaires les plus stratégiques et les plus rentables, et se concentrer sur les affaires les plus régulières ; le risque est de passer à côté des opportunités qui génèrent le plus de chiffre d’affaires et/ou la plus forte rentabilité… car ce ne sont pas toujours les négociations les plus simples à mener.
Le simple fait de remettre à plat la priorisation des enjeux/actions permet très rapidement de générer un impact très favorable sur les ventes et surtout le taux de marge associé aux ventes en s’assurant que les moyens humains et financiers sont alloués sur les opportunités les plus rémunératrices.
Les entreprises doivent se poser les bonnes questions. Par exemple, est-il intéressant de passer du temps à répondre à un appel d’offres, pour un client dont l’historique montre qu’il a refusé les 5 dernières propositions commerciales ? En somme, il est essentiel de s’assurer que les préparations d’offres, les remises d’offres et les négociations tiennent compte de l’historique de performance auprès d’un client donné. Ce faisant, on améliore le taux de succès, ou alors on améliore la rentabilité et les coûts internes en mobilisant moins de collaborateurs sur une offre.
Y a-t-il d’autres indicateurs de la performance commerciale ?
X.V. : Tout dépend bien sûr de la société et de son secteur d’activité. En BtoB, dans les services, on mesure le Churn (attrition), soit la proportion de clients perdus au cours d’une période donnée. C’est un bon indicateur de la fidélisation clients. Pour évaluer la performance de chaque commercial, on mesure naturellement les entrées de commandes ; les sociétés plus matures évaluent également souvent la performance des commerciaux sur leur capacité à vendre au-dessus des mandats de négociation qui leur sont donnés. Au niveau de la société, le Book-to-bill est un indicateur intéressant. Soit la valeur des entrées de commandes rapportée au chiffre d’affaires. Cet indicateur est très instructif client par client : pour un client donné, si le ratio est supérieur à 1, cela montre qu’on a réussi à signer plus de nouvelles commandes que de chiffre d’affaires facturé sur un exercice, et donc que le compte client est en croissance. À l’inverse, un ratio inférieur à 1 montre qu’on n’arrive pas totalement à renouveler le portefeuille d’activités réalisé avec le client… ce qui forcément amener à se poser des questions, et définir des actions.
Quels sont les éléments qui vont permettre à des entreprises de faire la différence, aujourd’hui et demain ?
X.V. : J’en vois 3. La notion d’expérience client occupe désormais une place essentielle. À la suite du Covid, les clients attendent de leurs fournisseurs des offres qui résolvent leurs problèmes et à travers lesquelles le fournisseur démontre la valeur ajoutée du produit/service qu’il apporte à son client.
La notion de « valeur client » prime sur des offres de services classiques. Ce qui nécessite en amont un questionnement sur les éléments de valeur du client, et dans quelle mesure l’offre proposée répond à ces éléments et au problème de mon client. Si on a identifié ces éléments, on peut parler de répartition de valeur avec le client, et ainsi augmenter ses marges…
Cette démarche suppose des vendeurs capables de pratiquer l’écoute active pour identifier et comprendre les problématiques de leurs clients. Cette attitude permet de négocier et vendre à meilleur prix. Un expert externe peut accompagner la montée en compétences d’une équipe commerciale sur ce point spécifique.
J’observe aussi une attente forte des dirigeants de groupes organisés en centres de profits, pour stimuler et monétiser la transversalité commerciale… Ce n’est pas forcément la somme des ventes de chaque centre de profit qui optimise les ventes et le résultat du groupe. Je m’explique : la Direction d’un centre de profit est souvent focalisée sur son business, mais a tendance à occulter les opportunités d’affaires qui se présenteraient pour ses confrères d’autres centres de profits… Il faut donc créer les conditions facilitant la transversalité commerciale, or, c’est loin d’être évident dans un groupe où chaque patron de centre de profits est autonome sur la marche de son business. C’est un gros enjeu pour les dirigeants, car c’est un levier fort de différenciation et de fidélisation des clients !
Enfin, dans le contexte actuel, pour rester performantes, les entreprises font face aux enjeux du recrutement et de la fidélisation des meilleurs commerciaux. À mon sens, l’entreprise doit être exemplaire et faire preuve de reconnaissance auprès de ses meilleurs éléments, sans aller forcément sur le terrain de la rémunération. Les commerciaux tiennent autant, voire plus, à la reconnaissance interne de leur performance qu’à une augmentation de salaire : être associés à la stratégie, mettre en avant les succès marquants, apporter de la visibilité sur les évolutions de carrière possibles en interne….
Xavier Vottero, je vous remercie !